L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire
essentiellement féminin, qui entraîne une privation alimentaire stricte et
volontaire pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. L’anorexie est très
souvent associée à des troubles psychologiques. Les chercheurs tentent de
préciser les mécanismes impliqués dans l’émergence de ce trouble, ainsi que ses
facteurs de risque et d’évolution. Ils cherchent aussi à améliorer la qualité
de la prise en charge des patients : l’objectif est d’obtenir des
guérisons plus fréquentes et plus rapides, limitant ainsi le risque de
séquelles et de complications potentiellement fatales.
Pour certaines adolescentes, dont le profil psychologique s'oriente autour
du contrôle, c'est une situation insupportable. Elles doivent se maîtriser, se
mettent au régime et se laissent entraîner par l'excitation que peut provoquer
la privation de nourriture. Du coup, elles se contrôlent et maigrissent. De
leur point de vue, tout va donc pour le mieux.
L'anorexie est ainsi une pathologie bien à part, car la patiente ne se
plaint pas, elle ne veut pas guérir. Elle peut dissimuler longtemps sa maladie
et, une fois celle-ci diagnostiquée, refuser les soins. Les signes sont
pourtant clairs : les anorexiques veulent maigrir, se trouvent trop
grosses alors qu'elles ne le sont pas et ont peur de prendre du poids.
Dans les cas les plus graves, lorsque l'anorexie est installée depuis plus
longtemps, les patientes doivent être hospitalisées. Certaines sont dans un
état dramatique, avec une perte de poids qui peut atteindre 50 %. «À ce
stade, il ne suffit pas de les regonfler physiquement, ce qui est fait le plus
souvent dans les unités non spécialisées, regrette le Dr Xavier Pommereau,
directeur de l'unité médico-psychologique de l'adolescent au centre Abadie de
Bordeaux. Il est indispensable de pouvoir les prendre en charge sur tous les
axes. Les équipes pluridisciplinaires obtiennent les meilleurs résultats,
surtout si elles peuvent suivre les patientes pendant une durée suffisante.»
Les causes de la maladie
Plusieurs théories affirment que la perturbation de la relation mére-enfnat
est à l’origine du trouble. Mais ses théories ont montré leurs limites.
Aujourd’hui, il est encore impossible de dire avec certitude pourquoi ce
trouble touche certains jeunes plus que d’autres. Mais l’on sait que ses
origines sont multiples et croisées, mêlant facteurs génétiques, nutritionnels,
affectifs, psychiques ou encore socioculturels. Comme une goutte d’eau qui
serait venue faire déborder un vase déjà trop plein, les histoires des malades
évoquent toutes un élément déclencheur, un déclic : un régime trop strict, une
remarque blessante, un traumatisme, une rupture sentimentale, ou encore, une
modification de la vie familiale (deuil, divorce…).causés par une combinaison
de facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et environnementaux.
Concrètement, les gènes affecteraient l’humeur, le contrôle des
comportements, les mécanismes de récompense, le métabolisme et l’appétit.
Les facteurs environnementaux, comme un stress périnatal ou un
événement traumatique durant l’enfance auraient aussi un impact. De même,
l’état mental et nutritionnel de la personne ainsi que la pression sociale à
faire des régimes joueraient un rôle.
Les facteurs biologiques
Ils incluent entre autres : l'hérédité, les antécédents familiaux de
dépression, d'anxiété, de troubles de l'alimentation et les problèmes de poids.
Plusieurs recherches ont permis de démontrer le rôle des facteurs
génétiques dans les troubles de l'alimentation. En effet, ils sont clairement
transmis à l'intérieur d'une famille, c'est-à-dire que l'hérédité y joue un
rôle. Or, ces données ne peuvent prouver que le trouble de l'alimentation est
transmis automatiquement de mère en fille, mais permettent de dire qu'il peut y
avoir transmission de traits de tempérament ou d'une vulnérabilité à d'autres
perturbations qui augmenteraient le risque de développer un
tel trouble.
Certaines anomalies au niveau des neurotransmetteurs régulant l'appétit et
l'humeur, auraient une influence sur le développement des troubles
alimentaires. Les chercheurs au Douglas réalisent actuellement des études de
pointe sur la question.
Les facteurs sociaux
On a toujours véhiculé un modèle idéal de beauté, mais avec les années, ce
modèle est devenu de plus en plus mince, voire maigre. Les médias contribuent à
véhiculer plusieurs clichés et normes qui font pression sur les femmes et les
poussent souvent à suivre des régimes draconiens néfastes pour leur santé.
Le culte de la minceur s'inscrit dans une stratégie de mise en marché de
plusieurs billions de dollars. La femme doit paraître soumise : on valorise la
femme-objet, fragile et dépendante. Bref, ces idéaux de minceur sont des outils
marketing qui permettent de faire rouler une industrie prolifique.
Les pressions sociales sont davantage liées aux différentes formes de
boulimie, plutôt qu'à l'anorexie. En effet, c'est un trouble qui semble avoir
augmenté sensiblement au cours des dernières années et qui serait plus localisé
dans les sociétés industrialisées. L'anorexie en revanche est présente partout,
sur tous les continents et depuis très longtemps; on y associe donc moins les
facteurs sociaux comme cause.
Les médias diffusent énormément de publicité quant aux fameux régimes
miracles et autres diètes infaillibles. En fait, dans le cas des personnes dont
les prédispositions génétiques sont favorables aux troubles de l'alimentation,
les régimes agiront souvent en tant que déclencheur du trouble. Le premier
geste à poser est sans doute d'arrêter les régimes.
Les régimes ont aussi un effet physique néfaste : un régime modéré de 3
semaines altère les fonctions cérébrales et réduit les substances qui
contrôlent l'humeur, la pensée, et la satiété.
L'influence familiale
Le Academy of Eating Disorders (2010) admet que les
facteurs familiaux peuvent jouer un rôle dans l'apparition et le maintien d'un
trouble de l'alimentation, mais qu'ils ne sont en aucun cas la cause
unique ni même principale du développement d'un trouble de l'alimentation.
Les facteurs psychologiques
Les troubles de l’alimentation cohabitent souvent avec des troubles
affectifs, des troubles anxieux et des troubles du contrôle des impulsions.
Parfois, les troubles de l’alimentation coexistent aussi avec des problèmes de
contrôle du comportement, de l’émotivité négative, de l’autocritique ou du
perfectionnisme mésadapté.
Il y a toutefois des différences énormes entre les individus:
§
Un tiers environ des personnes qui
souffrent d’un trouble de l’alimentation sont franchement « dé-réglées » :
elles sont impulsives et instables émotionnellement
§
Un autre tiers sont « sur-réglées »: elles
sont inhibées et en contrôle extrême de leurs émotions
§
Enfin le dernier tiers ne présente aucune
psychopathologie
En d’autres termes, les troubles de l’alimentation touchent toutes sortes
de personnes. Ces différences laissent croire que les troubles de
l’alimentation résultent de différentes expositions à des risques divers, et
plus important encore, que les traitements doivent être individualisés.
Statistiques
France aux alentours de 70.000 adolescentes et jeunes femmes âgées de 15 à
25 ans, et possède le taux de mortalité par suicide le plus haut de
tous les troubles psychiatriques.
§
En France : 37% des filles se trouvent
trop grosses, 57% font un régime, 2,3% prennent un médicament « pour
maigrir » et 3,1% des laxatifs
§
1% des filles entre 12 et 18 ans
§
0,1% des garçons
§
Mortalité :
§
Anorexies restrictives : 1%
§
Anorexies avec boulimies/vomissements ou
prise de purgatifs : 2 à 4%
§
Rechutes : 2,6 / anorexique
§
Augmentation des formes pré pubères (0,5 à
1%)
Aux USA : 40 à 60 % des filles de 17/18 ans suivent un régime; 13% se font
vomir, prennent des laxatifs ou des coupe-faim !
Au canada à toute époque, 70 % des femmes et 35 % des hommes sont au
régime. Plus inquiétants sont les résultats d’une enquête menée par Statistique
Canada en 1993. Celle-ci révéla qu’entre 1 et 2 % des femmes âgées de 15 à 25
ans sont anorexiques et entre 3 et 5 % sont boulimiques. Le taux de mortalité
associé aux troubles de l’alimentation est plus élevé que celui de toute autre
maladie mentale, alors qu’entre 10 et 20 % y succombe tôt ou tard en raison de
complications.
La prise en charge
La prise en charge de l'anorexie étant d'autant plus efficace que le
trouble est détecté précocement, ces recommandations devraient permettre aux professionnels
en contact avec des adolescents de mieux repérer les premiers signes
révélateurs de cette pathologie. En France, comme dans tous les pays
occidentaux, de 0,5 à 2 % des adolescents sont touchés par ces troubles du
comportement alimentaire, et principalement les jeunes filles, qui représentent
90 % des cas.
Hospitalisation
Elle permet de parer au plus pressé, c’est-à-dire de stopper la
dénutrition, d’aider à contenir un trop-plein d’angoisse et/ou de dépression,
puis de mettre en place un projet de soins ambulatoires adapté.
La mise à distance du milieu de vie habituel induite par l’hospitalisation,
avec ou sans séparation en fonction des équipes et des situations, permet à
certains patients, qui n’y arrivent pas dans leur cadre familial, de sortir de
la spirale infernale de la maladie et de trouver une motivation à la guérison.
Si l’hospitalisation était il y a quelques années, pour certaines familles,
synonyme e traumatisme, elle a beaucoup
évolué, notamment grâce à l’exemple de services spécialisés qui ont développé une
prise en charge de ces troubles à la fois compétente et respectueuse de
l’alliance thérapeutique avec le patient et les familles.
Dans le domaine des soins pour anorexie mentale, les proches sont de
précieux alliés sur le chemin de la guérison. Mieux, souvent les familles ont
de multiples compétences pour aider la personne en souffrance, et contribuent
très largement à la guérison lorsqu’elles sont systématiquement associées à
l’action des personnels de soin.
Parce qu’une hospitalisation sans consensus serait non productive,
l’hospitalisation doit être discutée avec le patient lui-même et avec sa
famille. Elle se prépare, sauf urgence vitale, avec le patient et sa famille au
travers d’entretiens d’information, de discussion du projet de soins et de visite
du service.
Pendant l’hospitalisation dans un service spécialisé, le patient va être
entouré, accompagné du personnel soignant. On lui propose un programme
nutritionnel adapté, des entretiens thérapeutiques, ainsi que des activités de
groupe, comme des groupes de parole, de l’art-thérapie, du sport, des activités
culturelles, etc. Une thérapie peut être débutée ou poursuivie en cours
d’hospitalisation ou après.
La séparation avec le système familial est induite de fait par une
hospitalisation. Elle est pratiquée de manière différente, et vous sera
expliquée ; elle est modulée selon l’âge et accompagnée ; si cela n’est à votre
sens pas suffisant, n’hésitez pas à en parler avec les équipes.
En cas de séparation (qui n’est plus un isolement), les parents peuvent
quotidiennement avoir des nouvelles de leur enfant, des visites sont
programmées.
Dans tous les cas, l’entourage aussi sera accompagné dans cette
hospitalisation qui constitue également
une épreuve pour lui (groupes de parents, thérapies familiales, entretiens,
etc.).
Psychothérapie
De manière générale, sont proposées des thérapies de type psycho dynamique,
pour un travail de fond, pour que les patients comprennent ce qui les a amenés
là où ils en sont aujourd’hui et qu’ils puissent remplacer leurs comportements
destructeurs par une solution plus adaptée pour leur avenir. C’est un travail
de longue haleine, qui prend quelquefois des années.
On a également recours à des approches de type cognitivo-comportemental,
qui agissent à plusieurs niveaux. Le premier étant souvent un niveau
d’éducation à la nutrition, pour bien en comprendre les enjeux. Le second, plus
comportemental, permettra aux patients de mieux gérer l’affirmation de soi, de
mieux être en relation avec les autres. Cela permettra également de travailler
sur l’anxiété. Ces thérapies sont très utiles parfois, pour dénouer un moment
de crispation et de stagnation dans le processus thérapeutique.
Sont fréquemment proposées des thérapies dites familiales, qui impliquent
l’enfant, un ou les deux parents, et quelquefois la fratrie. Ces thérapies sont
particulièrement indiquées chez les enfants et les adolescents amenés à vivre
encore plusieurs années dans un système familial qui doit absolument apprendre
à accompagner leur processus de guérison. S’il est essentiel que les patients
puissent bénéficier de soins, il est tout aussi essentiel que l’environnement
dans lequel ils vivent soit accompagné et aidé. C’est tout l’intérêt de ces
approches.
On pourra également utiliser l’espace des groupes de parole, avec d’autres personnes concernées par la maladie. Ces
groupes permettent à chacun d’exprimer son ressenti par rapport à la maladie,
de comprendre que d’autres peuvent vivre la même chose, de partager,
d’échanger, d’adopter un autre angle de vue. Ces groupes sont très riches et dynamisant.
Conseil pratique
Les parents doivent donc être attentifs dès que leur enfant a un
comportement inhabituel au moment des repas et qui, bien que mince ou maigre,
insiste sur le fait qu'il est gros. «Les parents sont souvent les premiers à
voir les changements, car les médecins examinent en effet de moins en moins
leurs patients, surtout ces jeunes filles réticentes», insiste le Pr Falissard.
Lorsque l'anorexie est dépistée très tôt, quelques interventions simples
sur le fonctionnement de la famille suffisent en général à débloquer la
situation.
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