Anorexie mentale, causes, et prise en charge


L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire essentiellement féminin, qui entraîne une privation alimentaire stricte et volontaire pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. L’anorexie est très souvent associée à des troubles psychologiques. Les chercheurs tentent de préciser les mécanismes impliqués dans l’émergence de ce trouble, ainsi que ses facteurs de risque et d’évolution. Ils cherchent aussi à améliorer la qualité de la prise en charge des patients : l’objectif est d’obtenir des guérisons plus fréquentes et plus rapides, limitant ainsi le risque de séquelles et de complications potentiellement fatales.








 Le début des troubles peut être insidieux. Avec la puberté, une adolescente voit son corps se modifier et des rondeurs apparaître. «Elle grossit un peu et, un jour, son frère ou son père le lui fait remarquer. L'adolescente s'inquiète, interroge ses copines à l'école, qui confirment, car les filles ne sont pas tendres entre elles, raconte le Pr Bruno Falissard. Responsable d'une unité de recherche Inserm au service de pédopsychiatrie de l'hôpital Paul-Brousse, à Villejuif. C'est le début classique de l'histoire de l'anorexie.»
Pour certaines adolescentes, dont le profil psychologique s'oriente autour du contrôle, c'est une situation insupportable. Elles doivent se maîtriser, se mettent au régime et se laissent entraîner par l'excitation que peut provoquer la privation de nourriture. Du coup, elles se contrôlent et maigrissent. De leur point de vue, tout va donc pour le mieux.
L'anorexie est ainsi une pathologie bien à part, car la patiente ne se plaint pas, elle ne veut pas guérir. Elle peut dissimuler longtemps sa maladie et, une fois celle-ci diagnostiquée, refuser les soins. Les signes sont pourtant clairs : les anorexiques veulent maigrir, se trouvent trop grosses alors qu'elles ne le sont pas et ont peur de prendre du poids.
Dans les cas les plus graves, lorsque l'anorexie est installée depuis plus longtemps, les patientes doivent être hospitalisées. Certaines sont dans un état dramatique, avec une perte de poids qui peut atteindre 50 %. «À ce stade, il ne suffit pas de les regonfler physiquement, ce qui est fait le plus souvent dans les unités non spécialisées, regrette le Dr Xavier Pommereau, directeur de l'unité médico-psychologique de l'adolescent au centre Abadie de Bordeaux. Il est indispensable de pouvoir les prendre en charge sur tous les axes. Les équipes pluridisciplinaires obtiennent les meilleurs résultats, surtout si elles peuvent suivre les patientes pendant une durée suffisante.»

Les causes de la maladie
Plusieurs théories affirment que la perturbation de la relation mére-enfnat est à l’origine du trouble. Mais ses théories ont montré leurs limites.  
Aujourd’hui, il est encore impossible de dire avec certitude pourquoi ce trouble touche certains jeunes plus que d’autres. Mais l’on sait que ses origines sont multiples et croisées, mêlant facteurs génétiques, nutritionnels, affectifs, psychiques ou encore socioculturels. Comme une goutte d’eau qui serait venue faire déborder un vase déjà trop plein, les histoires des malades évoquent toutes un élément déclencheur, un déclic : un régime trop strict, une remarque blessante, un traumatisme, une rupture sentimentale, ou encore, une modification de la vie familiale (deuil, divorce…).causés par une combinaison de facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et environnementaux.
Concrètement, les gènes affecteraient l’humeur, le contrôle des comportements, les mécanismes de récompense, le métabolisme et l’appétit.
Les facteurs environnementaux, comme un stress périnatal ou un événement traumatique durant l’enfance auraient aussi un impact. De même, l’état mental et nutritionnel de la personne ainsi que la pression sociale à faire des régimes joueraient un rôle.
Les facteurs biologiques
Ils incluent entre autres : l'hérédité, les antécédents familiaux de dépression, d'anxiété, de troubles de l'alimentation et les problèmes de poids.
Plusieurs recherches ont permis de démontrer le rôle des facteurs génétiques dans les troubles de l'alimentation. En effet, ils sont clairement transmis à l'intérieur d'une famille, c'est-à-dire que l'hérédité y joue un rôle. Or, ces données ne peuvent prouver que le trouble de l'alimentation est transmis automatiquement de mère en fille, mais permettent de dire qu'il peut y avoir transmission de traits de tempérament ou d'une vulnérabilité à d'autres perturbations qui augmenteraient le risque de développer un tel trouble.
Certaines anomalies au niveau des neurotransmetteurs régulant l'appétit et l'humeur, auraient une influence sur le développement des troubles alimentaires. Les chercheurs au Douglas réalisent actuellement des études de pointe sur la question.
Les facteurs sociaux
On a toujours véhiculé un modèle idéal de beauté, mais avec les années, ce modèle est devenu de plus en plus mince, voire maigre. Les médias contribuent à véhiculer plusieurs clichés et normes qui font pression sur les femmes et les poussent souvent à suivre des régimes draconiens néfastes pour leur santé.
Le culte de la minceur s'inscrit dans une stratégie de mise en marché de plusieurs billions de dollars. La femme doit paraître soumise : on valorise la femme-objet, fragile et dépendante. Bref, ces idéaux de minceur sont des outils marketing qui permettent de faire rouler une industrie prolifique.

Les pressions sociales sont davantage liées aux différentes formes de boulimie, plutôt qu'à l'anorexie. En effet, c'est un trouble qui semble avoir augmenté sensiblement au cours des dernières années et qui serait plus localisé dans les sociétés industrialisées. L'anorexie en revanche est présente partout, sur tous les continents et depuis très longtemps; on y associe donc moins les facteurs sociaux comme cause.
anorexie mentale Les régimes
Les médias diffusent énormément de publicité quant aux fameux régimes miracles et autres diètes infaillibles. En fait, dans le cas des personnes dont les prédispositions génétiques sont favorables aux troubles de l'alimentation, les régimes agiront souvent en tant que déclencheur du trouble. Le premier geste à poser est sans doute d'arrêter les régimes.
Les régimes ont aussi un effet physique néfaste : un régime modéré de 3 semaines altère les fonctions cérébrales et réduit les substances qui contrôlent l'humeur, la pensée, et la satiété.
L'influence familiale
Le Academy of Eating Disorders (2010) admet que les facteurs familiaux peuvent jouer un rôle dans l'apparition et le maintien d'un trouble de l'alimentation, mais qu'ils ne sont  en aucun cas la cause unique ni même principale du développement d'un trouble de l'alimentation.
Les facteurs psychologiques
Les troubles de l’alimentation cohabitent souvent avec des troubles affectifs, des troubles anxieux et des troubles du contrôle des impulsions. Parfois, les troubles de l’alimentation coexistent aussi avec des problèmes de contrôle du comportement, de l’émotivité négative, de l’autocritique ou du perfectionnisme mésadapté.
Il y a toutefois des différences énormes entre les individus:
§  Un tiers environ des personnes qui souffrent d’un trouble de l’alimentation sont franchement « dé-réglées » : elles sont impulsives et instables émotionnellement
§  Un autre tiers sont « sur-réglées »: elles sont inhibées et en contrôle extrême de leurs émotions
§  Enfin le dernier tiers ne présente aucune psychopathologie
En d’autres termes, les troubles de l’alimentation touchent toutes sortes de personnes. Ces différences laissent croire que les troubles de l’alimentation résultent de différentes expositions à des risques divers, et plus important encore, que les traitements doivent être individualisés.
Statistiques
France aux alentours de 70.000 adolescentes et jeunes femmes âgées de 15 à 25 ans, et possède le taux de mortalité par suicide le plus haut de tous les troubles psychiatriques. 
§  En France : 37% des filles se trouvent trop grosses, 57% font un régime, 2,3% prennent un médicament « pour maigrir » et 3,1% des laxatifs
§  1% des filles entre 12 et 18 ans
§  0,1% des garçons
§  Mortalité :

§  Anorexies restrictives : 1%
§  Anorexies avec boulimies/vomissements ou prise de purgatifs : 2 à 4%
§  Rechutes : 2,6 / anorexique
§  Augmentation des formes pré pubères (0,5 à 1%) 
Aux USA : 40 à 60 % des filles de 17/18 ans suivent un régime; 13% se font vomir, prennent des laxatifs ou des coupe-faim !
Au canada à toute époque, 70 % des femmes et 35 % des hommes sont au régime. Plus inquiétants sont les résultats d’une enquête menée par Statistique Canada en 1993. Celle-ci révéla qu’entre 1 et 2 % des femmes âgées de 15 à 25 ans sont anorexiques et entre 3 et 5 % sont boulimiques. Le taux de mortalité associé aux troubles de l’alimentation est plus élevé que celui de toute autre maladie mentale, alors qu’entre 10 et 20 % y succombe tôt ou tard en raison de complications.
La prise en charge
La prise en charge de l'anorexie étant d'autant plus efficace que le trouble est détecté précocement, ces recommandations devraient permettre aux professionnels en contact avec des adolescents de mieux repérer les premiers signes révélateurs de cette pathologie. En France, comme dans tous les pays occidentaux, de 0,5 à 2 % des adolescents sont touchés par ces troubles du comportement alimentaire, et principalement les jeunes filles, qui représentent 90 % des cas.
Hospitalisation 
Elle permet de parer au plus pressé, c’est-à-dire de stopper la dénutrition, d’aider à contenir un trop-plein d’angoisse et/ou de dépression, puis de mettre en place un projet de soins ambulatoires adapté.
La mise à distance du milieu de vie habituel induite par l’hospitalisation, avec ou sans séparation en fonction des équipes et des situations, permet à certains patients, qui n’y arrivent pas dans leur cadre familial, de sortir de la spirale infernale de la maladie et de trouver une motivation à la guérison.
Si l’hospitalisation était il y a quelques années, pour certaines familles, synonyme  e traumatisme, elle a beaucoup évolué, notamment grâce à l’exemple de services spécialisés qui ont développé une prise en charge de ces troubles à la fois compétente et respectueuse de l’alliance thérapeutique avec le patient et les familles.
Dans le domaine des soins pour anorexie mentale, les proches sont de précieux alliés sur le chemin de la guérison. Mieux, souvent les familles ont de multiples compétences pour aider la personne en souffrance, et contribuent très largement à la guérison lorsqu’elles sont systématiquement associées à l’action des personnels de soin.
Parce qu’une hospitalisation sans consensus serait non productive, l’hospitalisation doit être discutée avec le patient lui-même et avec sa famille. Elle se prépare, sauf urgence vitale, avec le patient et sa famille au travers d’entretiens d’information, de discussion du projet de soins et de visite du service.

Pendant l’hospitalisation dans un service spécialisé, le patient va être entouré, accompagné du personnel soignant. On lui propose un programme nutritionnel adapté, des entretiens thérapeutiques, ainsi que des activités de groupe, comme des groupes de parole, de l’art-thérapie, du sport, des activités culturelles, etc. Une thérapie peut être débutée ou poursuivie en cours d’hospitalisation ou après.
La séparation avec le système familial est induite de fait par une hospitalisation. Elle est pratiquée de manière différente, et vous sera expliquée ; elle est modulée selon l’âge et accompagnée ; si cela n’est à votre sens pas suffisant, n’hésitez pas à en parler avec les équipes.
En cas de séparation (qui n’est plus un isolement), les parents peuvent quotidiennement avoir des nouvelles de leur enfant, des visites sont programmées.
Dans tous les cas, l’entourage aussi sera accompagné dans cette hospitalisation qui  constitue également une épreuve pour lui (groupes de parents, thérapies familiales, entretiens, etc.).
Psychothérapie
De manière générale, sont proposées des thérapies de type psycho dynamique, pour un travail de fond, pour que les patients comprennent ce qui les a amenés là où ils en sont aujourd’hui et qu’ils puissent remplacer leurs comportements destructeurs par une solution plus adaptée pour leur avenir. C’est un travail de longue haleine, qui prend quelquefois des années.
On a également recours à des approches de type cognitivo-comportemental, qui agissent à plusieurs niveaux. Le premier étant souvent un niveau d’éducation à la nutrition, pour bien en comprendre les enjeux. Le second, plus comportemental, permettra aux patients de mieux gérer l’affirmation de soi, de mieux être en relation avec les autres. Cela permettra également de travailler sur l’anxiété. Ces thérapies sont très utiles parfois, pour dénouer un moment de crispation et de stagnation dans le processus thérapeutique.
Sont fréquemment proposées des thérapies dites familiales, qui impliquent l’enfant, un ou les deux parents, et quelquefois la fratrie. Ces thérapies sont particulièrement indiquées chez les enfants et les adolescents amenés à vivre encore plusieurs années dans un système familial qui doit absolument apprendre à accompagner leur processus de guérison. S’il est essentiel que les patients puissent bénéficier de soins, il est tout aussi essentiel que l’environnement dans lequel ils vivent soit accompagné et aidé. C’est tout l’intérêt de ces approches.
On pourra également utiliser l’espace des groupes de parole, avec d’autres  personnes concernées par la maladie. Ces groupes permettent à chacun d’exprimer son ressenti par rapport à la maladie, de comprendre que d’autres peuvent vivre la même chose, de partager, d’échanger, d’adopter un autre angle de vue. Ces groupes sont très riches et dynamisant.
 Conseil pratique
Les parents doivent donc être attentifs dès que leur enfant a un comportement inhabituel au moment des repas et qui, bien que mince ou maigre, insiste sur le fait qu'il est gros. «Les parents sont souvent les premiers à voir les changements, car les médecins examinent en effet de moins en moins leurs patients, surtout ces jeunes filles réticentes», insiste le Pr Falissard.
Lorsque l'anorexie est dépistée très tôt, quelques interventions simples sur le fonctionnement de la famille suffisent en général à débloquer la situation.

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